Par Elena Bizzotto
Petit aperçu d’une distribution de prospectus en plein cœur de Paris, un après-midi de septembre.
“Bonjour“… “merci“… coup d’œil à droite… coup d’œil à gauche.
A l’angle des rues Etienne Marcel et Montorgueil, une jeune fille distribue des prospectus et attend.
Petite, ronde, la peu mate et les cheveux bruns, elle arbore le logo en forme de tomate de la pizzeria “Rustica” sur son imperméable noir et sa casquette.
Des lunettes orange et un foulard rose égaient cet ensemble terne. L’air blasé, elle dort debout les yeux mi-clos, bercée par le bruit des voitures. Elle attend. Un coup d’œil à droite…un coup d’œil à gauche.
Une vieille dame approche. Les yeux pétillants, la jeune fille lui tend un prospectus.
Fausse alerte, c’est la vitrine du magasin “Comptoir des cotonniers” qui l’intéresse.
Les passants défilent, les voitures klaxonnent, la jeune fille attend.
“Bonjour“… “merci“… coup d’œil à droite… coup d’œil à gauche.
Brusquement, la torpeur disparaît. D’un geste, elle attrape son portable, regarde l’heure et crie à une personne en face : “Michele, sono le tre !” (Michel, il est trois heures).
De l’autre côté de la rue, Michele tente de couvrir le bruit des voitures et réplique : “Grazie Dalida” (Merci Dalida).
L’échange ne dure qu’un instant : c’est le cri qui marque e début de la pause clope.
Dalida savoure une cigarette, elle aspire la fumée les yeux fermés et l’expire en souriant. Michele répète les mêmes gestes depuis le trottoir d’en face.
Une japonaise aux collants jaunes fluo traverse la rue en courant, glisse et tombe sur l’asphalte mouillé. Dalida ricane et écrase son mégot du pied droit.
Coup d’œil à droite…coup d’œil à gauche.
Un rayon de soleil apparaît et avec lui un autre membre du bataillon “Rustica“.
Les yeux brillants, un sourire éclatant, Dalida passe le flambeau. Le jeune homme qui vient d’arriver baisse les épaules, s’appuie au mur et attrape les prospectus, l’air détaché.
“Bonjour “… “merci“… coup d’œil à droite… coup d’œil à gauche. Dalida regarde son collègue en s’éloignant, le pas léger.